Février 2010 : auditions de la Commission Pigeat

, par Admin

Le comité mis en place par le Ministre de la Culture Frédéric Mitterrand en décembre dernier poursuit ses auditions et doit remettre ses conclusions au ministre de la culture en avril. Nous publions les principales réactions à ce jour

Le 11 février : rapport du groupe de travail dans deux mois, selon Mitterrand - cinq syndicats écrivent au ministre. Extrait de la dépêche AFP :

"Le ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand a indiqué jeudi à Madrid qu’il espérait recevoir dans "deux mois" le rapport d’un groupe de travail sur le statut de l’Agence France-Presse (AFP).

.../...

Cinq syndicats de l’Agence France-Presse ont écrit la semaine dernière à M. Mitterrand pour lui demander d’informer "préalablement" le personnel de tout projet de réforme du statut qui serait décidé par ce comité d’experts.

Nous demandons que tout projet éventuel soit préalablement porté à la connaissance du personnel, de manière à ce qu’il puisse donner, par consultation, son avis de manière éclairée", ont demandé les syndicats SNJ, CFDT, FO, Sud et CFE-CGC."

Rappel : extrait de la dépêche AFP du 10 décembre 2009 annonçant la création du comité :

PARIS — Un groupe de travail de cinq experts chargés de réfléchir à l’évolution de l’Agence France-Presse (AFP) a été installé jeudi par le ministre de la Culture et de la Communication, Frédéric Mitterrand, et sera piloté par Henri Pigeat, président du Centre de formation des journalistes et ancien PDG de l’AFP.

Outre M. Pigeat, le groupe est composé de Michèle Cotta, journaliste et ancienne dirigeante de l’audiovisuel, Jean-Marie Colombani, ancien directeur du quotidien Le Monde, Fabrice Boe, ancien président de Prisma Presse, et Francis Teitgen, ancien bâtonnier et ancien dirigeant du groupe Ouest-France.

[NB : des cinq membres du nouveau groupe de travail, seule Michèle Cotta figure parmi les signataires de la pétition "SOS-AFP"]

Janvier 2010 : le comité publie le questionnaire suivant, destiné à l’intersyndicale de l’agence :

"Pour l’efficacité de la consultation, le comité sollicite de ses interlocuteurs une brève réponse écrite au questionnaire suivant. Les points abordés ne sont évidemment pas limitatifs et peuvent être complétés à l’initiative des intervenants."

  • 1 - Comment appréciez-vous le projet présenté par la direction de l’agence pour les prochaines années ? (évolution des services fournis, diversification éventuelle de la clientèle, évolution des méthodes de commercialisation, etc…)
  • 2 - Comment percevez-vous la rénovation informatique dite 4XML ?
  • 3 - Les modes de financement de l’AFP doivent-ils selon vous évoluer et comment ?
  • 4 - Le statut juridique de l’agence doit-il être modernisé et sur quels points ?
  • 5 - L’indépendance éditoriale de l’AFP vous paraît-elle aujourd’hui en question ? Si des garanties nouvelles doivent intervenir, quels points vous paraissent mériter une attention particulière ?
  • 6 - Globalement, quelle est selon vous aujourd’hui la principale faiblesse de l’AFP ? Quelle est sa principale force ?

Les syndicats CGT, FO et SUD-AFP, ainsi que l’Association ADIAFP, ont publié leurs réponses à ces questions

ADIAFP : réponses comité Pigeat, fév 2010 (fichier PDF, 87 Ko)

 


Voici les réponses des sections syndicales FO de l’AFP au questionnaire envoyé par le Comité d’experts mis en place par le ministre sur l’avenir de l’AFP.

1/ Comment appréciez-vous le projet présenté par la direction de l’agence pour les prochaines années ? (évolution des services fournis, diversification éventuelle de la clientèle, évolution des méthodes de commercialisation, etc..)

Réponse FO : Le projet présenté par Pierre Louette est la réponse à une lettre de mission ministérielle. Le Président-Directeur général de l’AFP a beau prévenir en introduction que la conclusion de sa réflexion "n’a pas été livrée avec la lettre", il apparaît très vite que son rapport est structuré par rapport à la demande expresse d’une évolution de l’AFP "vers un statut de société".

C’est pour arriver à cette conclusion qu’est bâtie la "réflexion".

Car ce qui frappe d’abord, c’est la pauvreté de la vision stratégique du document. On note bien que l’agence a "raté" l’occasion de l’information financière dans les années 60 et celui de la vidéo internationale dans les années 90. Mais que propose-t-on aujourd’hui ? "Valoriser notre marque", "mettre en avant la diversité des informations proposées", "mettre à la disposition des clients une analyse permettant d’aller au-delà des faits bruts", "accentuer la différenciation des produits". Tout reste très vague pour la vaste ambition annoncée de "faire de l’AFP un des leaders mondiaux de l’information à l’ère numérique".

En réalité, ce document fait par la force des choses à la va-vite (le délai de trois mois était comminatoire) fait miroiter un financement de 65 millions à la clé d’un changement de statut. Pour quoi faire ? On n’en saura pas beaucoup plus : "les premières étapes d’une approche économique et financière pourraient consister à établir un plan stratégique à 3/5 ans accompagné d’un nouveau plan plus ambitieux correspondant à la vision stratégique proposée".

Venons-en donc vite à la partie qui justifie le document, celle consacrée aux changements juridiques présentés comme nécessaires.

Elles sont basées sur une analyse contestable des relations de l’AFP avec l’Etat.

En effet, on assure que ces relations ont une "double nature" : relation commerciale d’un côté, relation avec la puissance publique "pour la mise en oeuvre des missions et obligations d’intérêt général", d’autre part.

C’est autour de ce raisonnement que pivote une remise en cause complète de la définition qu’a donnée le législateur de l’AFP en 1957. Nulle part, ni dans l’esprit, ni dans la lettre du statut de l’AFP n’est fait état d’une dichotomie entre fonction commerciale et missions d’intérêt général. Pour le législateur, l’AFP n’a pas "des" missions d’intérêt général. C’est son existence même qui est d’intérêt général, d’où la nécessité d’une loi "sui generis".

En vérité, le projet de Pierre Louette ne démontre à aucun moment que les moyens financiers dont l’AFP a besoin nécessitent un changement de statut. On peut d’autant moins le démontrer que, depuis sa création, la part de l’Etat dans le financement de l’agence a diminué de moitié, pour passer de 80% à 40%. Le rapport lui-même prévoit un passage à 30% à l’horizon 2013.

2/ Comment percevez-vous la rénovation informatique dite 4XML ?

Réponse FO : Nous ne pouvons que déplorer en préalable que les organisations syndicales ne soient pas associées en tant que telles aux discussions sur 4XML, contrairement à toutes les précédentes étapes de modernisation qu’a connues l’AFP depuis le début de l’informatisation à la fin des années 70. Seule une telle concertation permet véritablement la mise en oeuvre harmonieuse d’une évolution impliquant notamment la modification des interfaces de travail.

Le projet 4XML se présente comme une réflexion d’ensemble sur le nouvel outil technique destiné à transformer l’agence France-Presse en "Agence multimédia".

Le problème central, dans la logique de l’absence de vision stratégique, est que l’on semble vouloir définir cet outil sans préciser les produits que cet outil est censé produire.

Le mot magique "multimédia", mis à toutes les sauces, semble seulement masquer, selon nous, une volonté beaucoup plus prosaïque de diminuer les effectifs, d’aller vers une généralisation de la polyvalence parmi les journalistes. Au-delà, il semble surtout avoir pour fonction de faire passer à la trappe la fonction fondamentale de certification de l’information qui est celle de l’AFP, en démantelant la rédaction texte, colonne vertébrale de toute la production AFP. Comment interpréter autrement la récente déclaration faite par le Directeur de l’information selon laquelle, "le fil AFP est amené à disparaître" ?

Nos cadres techniques soulignent en outre un grave problème, qui se fait sentir dès maintenant : le fait que la Direction actuelle se désintéresse de la maintenance du système technique existant, alors que 4XML est encore dans les limbes.

Il risque donc d’y avoir une cassure technique très forte entre la situation actuelle et le monde de 4XML. Ce nouveau monde risque d’être sans lien avec celui d’aujourd’hui, sans référence ni continuité. Qu’est-ce que cela impliquera pour les personnels du Technique et les autres personnels ?

3/ Les modes de financement de l’AFP doivent-ils selon vous évoluer et comment ?

Réponse FO : Comme l’a expliqué l’ancien PDG Claude Moisy dans une tribune publiée par Le Monde le 30 septembre, citant lui-même Jean Marin, "l’AFP ne peut fonctionner que si celui qui paie ne commande pas". Règle paradoxale qui s’explique par le choix politique du législateur : permettre l’existence d’une agence indépendante en lui donnant, grâce à la contribution financière de l’Etat, les moyens de remplir ses missions au nom du droit à l’information des citoyens.

Malgré les aléas, ce mode de financement a tenu, permettant à l’AFP de consolider son rang de 3e agence mondiale, de se développer, de se diversifier en augmentant même la part de ses recettes commerciales, la part de l’Etat ne représentant plus aujourd’hui que 40% du budget.

Entrer dans une logique où primeraient les intérêts particuliers d’un financeur qui serait aussi propriétaire de l’agence (que celui-ci soit l’Etat ou un voire plusieurs financeurs privés) condamnerait l’agence, sous sa forme actuelle, à plus ou moins long terme en lui faisant perdre son caractère global et universaliste.

4/ Le statut juridique de l’agence doit-il être modernisé et sur quels points ?

Réponse FO : Notre syndicat est échaudé par la manière dont a été amené le projet Louette. On nous a d’abord vendu un "toilettage" sur des points particuliers et on se retrouve aujourd’hui avec un projet de remise en cause totale des missions et du fonctionnement de l’agence.

En ce qui nous concerne, nous sommes persuadés que l’agence peut évoluer sans sa transformation en société par action, sans privatisation, ni étatisation.

5/ L’indépendance éditoriale de l’AFP vous paraît-elle aujourd’hui en question ? Si des garanties nouvelles doivent intervenir, quels points vous paraissent mériter une attention particulière ?

Réponse FO : L’affaire du projet de partenariat entre l’AFP et l’OCDE est inquiétante de ce point de vue. Elle illustre la tendance actuelle à la "réétatisation" de l’agence, situation qui prévalait avant le statut de 1957 et dont le législateur avait précisément voulu sortir pour consolider définitivement la crédibilité mondiale de l’agence.

Le recours soutenu par plusieurs syndicats a certes été rejeté par le Conseil supérieur de l’agence. Mais votre commission saura peut-être mieux apprécier la menace que constituait ce projet pour l’indépendance éditoriale de l’agence, en la transformant en simple relais d’une source.

6/ Globalement, quelle est selon vous aujourd’hui la principale faiblesse de l’AFP ? Quelle est sa principale force ?

Réponse FO : La principale force de l’agence réside dans sa mission, qui lui permet de délivrer une information certifiée restant une référence dans le flot "d’informations" du monde en ligne.

Elle réside dans son personnel qui, dans des conditions souvent difficiles et sans la reconnaissance de sa direction, assure son fonctionnement et son développement au quotidien.

Elle réside dans l’unité de sa rédaction qui a toujours su faire corps pour la défense de l’agence, de ses missions et du métier d’agencier et que l’actuelle direction entend aujourd’hui casser pour mieux imposer ses projets.

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