Comme vous le savez, l’organe chargé de gérer l’AFP est son Conseil d’administration. Le législateur a donné à cet organe, dans le Statut de 1957, le vrai pouvoir. Ainsi, selon l’article 14 du décret du 9 mars 1957, portant application du Statut, « le Conseil d’administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour gérer et administrer l’Agence France-Presse, agir au nom de cette dernière, accomplir ou autoriser tous actes et opérations relatifs à son objet. »
La lecture du Statut et de l’ensemble de ses décrets d’application ne laisse point de doute : c’est bien le Conseil d’administration qui est le vrai patron de l’agence. Le PDG n’est que l’exécutant de la volonté du Conseil d’administration. Ainsi, l’article 8 du Statut stipule que « le président directeur général est chargé de (…) l’exécution des délibérations du conseil d’administration ».
Le Conseil d’administration est, par sa composition, l’expression même de l’esprit du Statut qui a fait de l’AFP une sorte de coopérative gérée par ses usagers (privés et publics) et par son personnel (journaliste et non journaliste).
Or, malgré la clarté des textes législatifs, l’AFP est actuellement gérée par son seul PDG. Voici les faits :
- La dernière réunion du Conseil d’administration remonte au 27 janvier 2011, soit il y a plus de 7 mois. Cette situation est sans précédent : jamais, depuis 1957, le Conseil d’administration n’a eu une période d’absence aussi longue !
- L’AFP n’a plus de vice-président : le dernier en titre était M. David Guiraud représentant du journal Le Monde et de syndicat de la presse parisienne. Il a quitté le Conseil d’administration de l’AFP suite aux changements au sein du Monde. Et aucun autre administrateur ne l’a remplacé comme vice-président de l’AFP, parce que le Conseil d’administration – chargé, selon l’article 7 du Statut, d’élire à la majorité des voix le vice-président parmi les seuls représentants de la presse – ne s’est pas réuni depuis ! Or, selon le Statut, le vice-président a un rôle important.
- Le Conseil d’administration est recomposé, en application de l’article 7 du Statut, une fois tous les 3 ans. Cette recomposition a eu lieu en avril 2011 [à l’exception des deux représentants du personnel, élus le 13 juillet dernier, mais les deux sortants pouvaient parfaitement siéger puisque la juge du Tribunal de grande instance avait estimé que rien n’empêchait que leur mandat soit prorogé jusqu’à l’élection de leurs successeurs]. Quelque cinq mois après, le PDG n’a pas encore jugé utile de réunir le Conseil d’administration dans sa nouvelle composition !
Le plus étonnant est que ce même PDG avait diffusé, le 14 avril 2011 à 16h26, au sein de l’AFP, une note commentant une décision de justice l’enjoignant à suspendre le scrutin visant à faire élire les deux représentants du personnel au Conseil d’administration de l’AFP, parce que les modalités de ce scrutin devaient en effet être tranchées par le Conseil constitutionnel (ce qui a été fait le 6 mai 2011). Dans cette note (qui mystérieusement a été retirée de l’intranet de l’agence) M. Hoog écrivait : « Ce blocage de la gouvernance de l’AFP est d’autant plus dommageable qu’il risque de perdurer bien au-delà du délai légal de 3 mois imparti au Conseil d’administration pour se prononcer ». Et d’ajouter : « Or le législateur a confié au Conseil d’administration des prérogatives très importantes ». Quel aplomb de la part d’un PDG qui n’a pas convoqué le Conseil d’administration depuis plus de 7 mois et qui se comporte comme si le Conseil d’administration n’existait pas :
- Dernier exemple de ce mépris du Conseil d’administration : sa décision de nommer un nouveau directeur commercial et marketing. En effet, le PDG n’a pas le droit de nommer un directeur. L’article 14 du décret d’application du 9 mars 1957 stipule que la « nomination et révocation des directeurs de l’agence » fait partie des pouvoirs du Conseil d’administration. Le législateur est formel dans sa volonté de ne pas laisser le PDG de l’agence nommer les directeurs, puisqu’il ajoute, dans le même article, que le Conseil d’administration peut déléguer certains de ses pouvoirs au PDG, à l’exception de quelques prérogatives dont celle de nommer ou de révoquer les directeurs de l’agence. Or, depuis son arrivée à la tête de l’AFP, M. Hoog a nommé lui-même les directeurs, violant ainsi le Statut qui est une loi. Il est donc possible de considérer que tous les Directeurs nommés par M. Hoog sans l’aval préalable du Conseil d’administration occupent leurs fonctions de manière contraire à la loi.
- Même sur des sujets essentiels, qui touchent l’identité même de l’Agence, le PDG agit seul, sans mandat. En effet, le Conseil d’administration n’a jamais été saisi du soutien du PDG au projet Legendre. L’un des administrateurs nous a confirmé ce matin avoir été informé par la presse de l’existence du projet Legendre et n’avoir reçu aucun document du PDG relatif à son soutien à ce projet. En clair, le PDG est en train d’œuvrer très activement pour changer le Statut de l’AFP, qui est la « constitution » de l’AFP – donc de faire l’acte de gestion le plus grave qui soit – sans aucune délibération ni feu vert du Conseil d’administration.
Ces éléments révèlent une approche autocratique assez inquiétante. Et on retrouve cette insolence partout : dans le soutien actif mais caché au projet Legendre, dans l’affaire Média 9, dans la tentative de faire dire au Conseil constitutionnel que l’ensemble du Statut de l’AFP était contraire à la constitution, dans le recours à des conseils juridiques extérieurs pour voir s’il est possible de sortir l’AFP de la grille de salaires de la presse parisienne ou dans les projections visant à remplacer les journalistes expatriés de statut siège par des journalistes locaux.
Oui, on retrouve partout cette même approche, faite de manque de transparence, de volonté de manipuler le personnel voire le législateur, de dramatisation mensongère concernant la plainte à Bruxelles, de violation de la loi de la République, etc.
Et cette approche est appelée à perdurer si le projet Legendre venait à être adopté par le Parlement. C’est que ce projet contient, dans son article 15, une précision faite sur mesure pour l’actuel PDG : le mandat du président-directeur général ne sera pas interrompu du fait de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi et son mandat prendra fin en même temps que ceux des nouveaux membres du Conseil d’administration. Donc, le mandat de M. Emmanuel Hoog sera prorogé de 5 ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ! Quelle audace.
C’est donc pour refuser toute cette méthode de gestion de notre agence que nous vous appelons à voter – et à faire voter chacun de vos collègues – pour la motion de défiance qui vous est soumise.
Par votre vote en faveur de cette motion, vous serez en effet en train de dire : Non, l’AFP mérite mieux, beaucoup mieux, que ça.
Le mardi 6 septembre 2011
- [Voir également : dossier "SOS-AFP" sur la mobilisation de septembre 2011]